Transcription :

vu tous les yeux se mouiller lorsque, le samedi 26 juin 1915, à la remise des premières croix de guerre, il embrassa paternellement les soldats couchés sur des brancards ou allongés dans des fauteuils qu'il venait de décorer. Ces gestes, qui partaient du coeur, ses successeurs ne les ont pas retrouvés, pas plus qu'ils n'ont retrouvé les paroles émues qu'il prononçait à haute et intelligible voix. DEFENSE CONTRE AVIONS - Pendant cette année, le service de défense contre avions ennemis dit D.C.A. (les abréviations, fort en vogue dans le domaine civil avant la guerre, se sont implantées dans tous les services militaires) s'organisa avec une sage lenteur. Un poste central fut installé à grands frais à la Mairie, puis transféré à la caserne, le téléphone seul restant dans nos greniers ; ce poste central était relié aux postes de défense proprement dits comportant des canons spéciaux et des mitrailleuses situés à la Marolle, au Breuil, à St Sernin et à Montcenis. Parfois des exercices de mitrailleuses, des exercices de projecteurs venaient rappeler l'existence de la D.C.A. Toutes ces installations intéressèrent, mais n'émurent pas Le Creusot, qui n'avait pas la hantise des Zeppelins ; il se croyait en son for intérieur à l'abri de leurs coups ; il n'en éprouvait pas moins une certaine fierté à savoir que tant de mesures étaient prises pour sa défense et il ajoutait volontiers aux canons existants des canons imaginaires juchés sur les bâtiments de l'usine, peut-être même sur la Grande cheminée. L'imagination de la masse est extrêmement fertile et je me souviens m'être fait tancer vertement en août 1914 par une femme qui prétendait reconnaître un avion français dans une