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Transcription :

Correspondance militaire

Madame Déléage

29, rue Bourbonnoux

à Bourges

(Cher)

Lundi 610bre15.

Ma Chérie,

Ainsi que je te l’écrivais hier matin, en t’envoyant une procuration, nous sommes revenus à Mareuil, et nous y restons encore 1 jour ou 2. C’est que la situation est vraiment sérieuse pour le régiment ; la relève dure depuis 48 heures et n’est pas achevée, surtout pour mon bataillon ; on ne peut relever qu’à l’aube et à la brune, et encore en traversant le « billard » malgré les balles et les obus ; le ravitaillement des malheureux qui restent encore aux tranchées est extrêmement difficile, certains en sont réduits à boire l’eau souillée des puisarts après l’avoir fait bouillir. Les hommes qui arrivent à chaque instant par petits groupes sont dans un état inexprimable de malpropreté et de fatigue ; littéralement, ils ne tiennent plus debout ; ils sitôt arrivés, ils mangent, se lavent, puis se sâoulent, et font en ce moment les pires excentricités, vêtus seulement de leur caleçon et tricot pendant que leurs effets sèchent. C’est à la fois bien cocasse et bien triste.

Tout cela est du aux pluies continuelles et surtout au dégel ; les parapets s’effondrent en bloc, par mètres cubes ; il y a un mètre de boue partout au minimum, et cette boue est plutôt de la glue ; par endroits, tranchées et boyaux sont absolument comblés, les grands abris ont de 1 à 2 mètres d’eau, et le mauvais temps continue. Gare aux conséquences de toute sorte !

J’ai reçu hier ta lettre du 2 ; merci pour les galoches, mais c’est cher, et on ne me remboursera que 4 francs ! grand merci surtout pour ton empressement à me les expedier, je les aurai dans 2 ou 3 jours. – Rien de neuf en ce qui me concerne, sinon que j’ai eu une veine miraculeuse en échappant à ces fatigues.

De bien tendres bises pour toi et mes 2 gars.

Jean

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