Transcription :
[recto]Correspondance militaire
Mme Déléage
29, rue Bourbonnoux
à Bourges
(Cher)
[verso]Vendredi 17 Xbre 1915.
Ma petite Louise,
Je continue à t’écrire régulièrement tous les 2 jours, tu fais de même, et ainsi le courant n’est jamais ralenti entre nous.
J’ai mes sabots depuis 4 jours ; ils vont bien et paraissent solides ;
je les ai fait garnir de cuirs afin d’atténuer le bruit ; je me suis
procuré une paire de chaussons en peaucuir
pour mettre dedans.
Maintenant je les porte du matin au soir, et j’apprécie vivement
d’avoir les pieds secs et chauds ; encore une « douceur » que me serait interdite à
la tranchée !
J’ai lu hier ta lettre du 13, et comme depuis 2 jours j’ai des loisirs, j’ai pu la relire et y réfléchir. D’abord j’y ai retrouvé mon petit volcan, prompt à l’enthousiasme, mais qui se connait et sait qu’il se maitrisera assez vite : donc tu mûris sans vieillir, c’est ce qu’il faut ; tandis que moi, je sens que j’ai vieilli moralement en me mûrissant, je n’arrive plus à m’enthousiasmer pour rien, mes joies sont calmes et souvent courtes : c’est la triste rançon de la discipline que je me suis imposée depuis q.q. années ; c’est le prix dont j’ai payé la possession de moi, au moins dans le service et les relations. _ ai-je vraiment gagné au change ?
Revenons brièvement à nos préoccupations immédiates. Ma permission ? impossible de rien ajouter, actuellement, à ce que je t’en ai déjà dit ; dans 2 ou 3 jours, j’en parlerai au Colonel, en exploitant un argument nouveau que j’ai « découvert » et qui ne sera pas sans influence ; espérons, mais sans compter sur rien à une date précise ; pourtant j’aimerai bien passer les fêtes avec vous ! _ La paix ? la situation est de plus en plus