Transcription :
C. M.
Madame Déléage
29, rue Bourbonnoux
à Bourges
(Cher)
Samedi, 15 janvier 1916
Ma chère Louisette,
Je me mets en retard dans ma correspondance avec toi ; j’aurais voulu que ce mot
parte ce matin, mais impossible, dès mon arrivée au bureau j’ai été pris par la
paperasse. D’ailleurs mes lettres sont maintenant sans intérêt ; notre vie continue
sans intérêt ni incident ; et puis la censure continue à fonctionner plus vigilante
que jamais, plusieurs militaires viennent d’être punis pour avoir pour
avoir donné des renseignements militaires dans leur correspondance privée. Donc un
bœuf sur la langue !
Je vais très bien maintenant, ma fluxion a disparu ; il me faudra sans doute faire enlever ma dent carriée, mais le dentiste est loin en ce moment (8 Km) et je crains qu’il manque d’outillage et d’habileté : je remets donc la corvée à plus tard et m’enveloppe la joue. Je dors très bien dans mon lit, au sec et au chaud, bien tranquille. J’ai pris l’habitude d’aller prendre mes repas un peu loin, cela me sert d’appéritif et de digestif, et convient assez à un bureaucrate. J’ai du faire changer ma vareuse, la mienne étant decidément trop étroite ; la nouvelle est chaude solide et ample. Notre ordinaire est redevenu bon et le vin ne manque plus. Je n’ai toujours besoin de rien. – J’espère que Poupat aura, à son retour de permission, une agréable surprise, celle d’être renvoyé à l’intérieur comme commis aux écritures ; cela me fera plaisir pour lui, qui a eu si peu de chance jusqu’ici. Il semble qu’on débusque un peu à l’intérieur, il ns en arrive des preuves et des échos.- Tes lettres m’arrivent un peu moins régulièrement qu’avant : est-ce la faute de la poste, ou es-tu très occupée par la location d’appartement ? je pense que c’est plutôt cette 2e raison qui est la bonne, et d’ailleurs il n’y a rien de bien saillant à la maison ; tu m’as dit la dernière fois, que vous étiez tous en très bonne santé : c’est parfait ; André continue-t-il à prendre son huile, et fais-tu toujours q.q. frictions au petit Minet ? Faites- vs de bonnes parties de jacquet, le soir ? ce que vs allez devenir forts ! L’imprimerie marche-t-elle ? Parle-t-on q.q. fois du pou qui hurle ?- A bientôt de vos nouvelles ; mes plus tendres baisers. Jean
Pièce jointe : extrait d’un journal – Article lettre à Otto