Transcription :
Samedi 23 7bre 1916.
Ma Louise,
Le beau temps est enfin revenu, il fait soleil et on dirait que ça va tenir ; mais la température reste fraîche.
J’ai reçu ton mot relatant votre promenade au château de Chaumont ; jolie promenade en effet, les bois devaient être superbes en ce commencement d’automne ; quel dommage que vous n’ayez pu visiter le château qui contient des choses si intéressantes. Maurice a fait la course sans en être courbaturé, c’est donc qu’il devient solide.- Tu me parles de payer tes impôts dès ton retour à Bourges : voir ! J’ai envoyé une réclamation aux Directes qui ne se sont même pas donné la peine de répondre ; donc, ne paie rien avant d’avoir reçu tous les avertissements blanc et vert et même la
sommation sans frais, rouge. Puisqu’ils sont si aimables, mettons-nous à l’unisson. Tu sais d’ailleurs que, en tant que mobilisé, j’aurais le droit strict de ne pas payer avant la fin de la guerre.
- J’en étais là de mon « discours », lorsqu’une grande clameur me fait sortir
précipitament, et j’assiste à une courte mais terrible lutte d’avions. Moins d’une
demi-minute après, un biplan boche en feu descend en décrivant de larges spirales,
il attèrit derrière nos lignes, à…. Une autre demi-minute s’ecoule, et
une 2e boche pique du nez, mais sans flamber, et
à peu de distance du sol réussit à reprendre son équilibre et à se diriger vers ses
lignes, si nos gars des tranchées ne l’ont pas arrêté par leurs balles de fusils et
de mitrailleuses ; en tout cas, il était bien malade. Encore une minute, et un
crépitement de mitrailleuse très significatif nous fait chercher dans un autre coin
du ciel ; un 3e biplan boche file « à tire-d’aile », lâche une
fusée d’alarmes pour appeler le tir
de nos ses canons protecteurs : trop tard ! Notre « chasseur » le domine,
tombe littéralement sur lui et le mitraille (de haut et de côté) presque à bout
portant ; une nouvelle flamme blanche jaillit, le taube descend en feuille morte et
vient tomber à q.q. centaines de mètres de nous,
en faisant une explosion formidable. Et voilà : 3 avions boches en moins de 5
minutes ! dont 2 définitivement perdus ! Quel triomphe pour le jeune Guynemer, dont
le téléphone m’apporte le nom à l’instant ! Tout le long de nos lignes, ce fut une
immense clameur de joie ; attendons-nous à la riposte boche et tendons l’oreille ;
mais tu vois que nos journées ne sont pas toutes monotones.
Ca m’a d’ailleurs coupé le fil, je ne retrouve plus ce que j’avais à dire.
Bonne semaine de vacances, puisque c’est la dernière qui commence.
Embrassades à la ronde,
Jean