Arrivée des évacués de l'hospice civil d'Arras - 1914-11-03
Transcription :
-ques sorties un peu vives, parfois même peu parlementaires, excusables toutefois si l'on tient compte de l'état d'esprit de celles qui s'en rendaient coupables et ces flots d'imprécations furent souvent arrêtés par une bonne parole ou par un petit secours bien opportun. A côté des Parisiennes vinrent chercher asile au Creusot des personnes originaires de diverses autres régions, Nord, Champagne et Est, qui espéraient trouver facilement du travail dans nos usines. Mais, la production intense du matériel de guerre n'était pas encore organisée et ces réfugiés durent chercher fortune ailleurs ; ceux qui restèrent au Creusot furent occupés aux chantiers de secours communaux. Le 3 novembre, par un train qui devait arriver en gare à 9 heures 02, nous eûmes le convoi le plus lamentable qu'il puisse être donné de voir et même de rêver. C'étaient les malheureux évacués de l'hospice civil d'Arras bombardé par nos lâches ennemis. Il y avait là, pêle-mêle, des enfants rachitiques, des vieillards ahuris, une femme idiote, une femme au visage défiguré par un lupus, un homme aveugle, des hommes et des femmes en traitement par suite des blessures reçues pendant le bombardement de la ville, des femmes nouvellement accouchées avec leurs petits enfants sur les bras, des jeunes filles de l'hospice d'enfants assistés. Et tout ce monde arrivait, éreinté, demi-mourant, noirci après quatre grandes journées de voyage, et par une pluie battante, les uns se traînant péniblement, les autres couchés sur des brancards sommaires. Par eux on apprenait que pendant le bombardement systématique de la maison de la douleur, les malades avaient été descendus dans les caves, que là plusieurs femmes avaient accouché, notamment deux de celles reçues au Creusot, qu'une religieuse et un militaire avaient été tués, que d'autres avaient été blessés, que le voyage de quatre jours dans des wagons à bestiaux avait été excessivement pénible, que plusieurs enfants étaient morts en route.