Le paternalisme creusotin et l'effort de guerre - 1915-07-01
Transcription :
trouvaient deux ouvriers creusotins, calmes, devisant tranquillement et jetant un regard tant soit peu méprisant sur les parigots. Le contraste était frappant. C'est que la conception de l'un n'est pas celle de l'autre. L'ouvrier parisien (mais ici encore je ne veux pas généraliser, car parmi les Parisiens, il y avait des hommes fort dévoués, fort consciencieux) ne s'attache pas à son patron et, par réciprocité, le patron parisien ne s'attache pas à son ouvrier. De même que le maquignon et le cultivateur s'ignorent dès que l'un a acheté la paire de boeufs amenée par l'autre sur le marché, de même patrons et ouvriers parisiens s'ignorent dès que la journée est terminée. Au Creusot, il n'en va pas de même. Le patron n'ignore pas son ouvrier. Nous avons vu que, lorsque la guerre a été déclarée, le patron a dit au salarié " Aie confiance en moi, je n'abandonnerai pas les tiens pendant que tu seras sur le champ de bataille, je m'occuperai d'eux et je penserai à toi ". Et, en fait, il a, dès l'affichage du décret de mobilisation, accordé aux femmes de ses ouvriers une allocation de 1 F par jour et à leurs enfants 0,50 F. Avant la guerre, il mettait à la disposition des familles des siens à titre gratuit le médecin et les médicaments ; il distribuait, en secours en nature une somme annuelle considérable ; il faisait des avances à l'ouvrier qui voulait construire sa maisonnette, créait une maison de retraite pour ses vieux ouvriers ; il accordait une allocation spéciale à la naissance de chaque enfant, une allocation semestrielle, payable à l'échéance des loyers, aux familles nombreuses etc... Tous ces faits, tous ces gestes créent fatalement un lien entre l'ouvrier honnête et le patron, un lien que l'étranger ne sent pas, ne comprend pas,