Appel aux veuves de guerre - 1915-07-01
Transcription :
femme que la Patrie a mutilée de son soutien, je veux dire à la veuve de la guerre, un culte sans réserve, un culte fait de respect profond, de respect plein d'affection ; nous avons besoin de nous incliner devant le voile qui passe, comme nous nous inclinons devant le cercueil du brave tombé pour la France, comme nous nous inclinons, au moins par la pensée, devant le mutilé que nous rencontrons ; nous avons besoin de croire en vous, ô veuves de la guerre, comme nous croyons en la France, comme nous croyons en notre mère. Ne souillez donc pas votre voile. Si votre âme ne saisit pas la beauté tragique qui s'attache à votre crêpe, si votre coeur ne ressent pour le brave dont vous étalez la mort glorieuse aucun regret, si vous n'avez aucune foi, aucun amour, ayez au moins la pudeur de jeter au loin la robe noire et le voile. Si vous voulez étaler votre indécence, exhiber un décolletage provoquant, des fards malhonnêtes, quittez, de grâce, votre voile de douleur. Par pitié pour nous qui passons, respectez les voiles de crêpe : laissez-nous notre foi, laissez-nous notre culte ; ne profanez pas le saint voile noir de la France ! On pourrait croire, en lisant les notes qui précèdent, que Le Creusot n'a qu'une préoccupation pendant la guerre, s'amuser, qu'il ne compatit pas aux misères du dehors. Non cependant, non, mille fois non. Certes nous ne percevons plus le recueillement quasi religieux du début, mais la masse, la grande masse reste digne. L'une s'enveloppe dans sa douleur et pleure en silence son rêve brisé ; telle autre s'arme de courage et travaille pour subvenir aux besoins de la petite nichée ; une troisième consacre son temps, son argent, se prive même pour gâter un ou plusieurs filleuls. Comme je le disais en parlant de la première