Souffrances des réfugiés - 1915-07-01
Transcription :
des nôtres en captivité ; il nous démontre que la propagation du typhus était voulue froidement par les autorités allemandes, que le nombre élevé des décès est dû à l'absence totale de soins pendant une trop longue période. Telle femme, très aisée chez elle, travaille comme ménagère du matin au soir pour subvenir aux besoins de ses deux enfants et envoyer quelques fonds à son mari prisonnier ; ce dernier, malade en suite des privations, est interné en Suisse depuis mai 1916 et a écrit à sa femme, lors de son arrivée sur le territoire helvétique, une lettre très bien rédigée, débordante de coeur et d'enthousiasme, de folle joie, " je suis fou, fou de joie " dit-il textuellement et il signe " ton vieux fou ". Cette lettre est à encadrer, à graver sur la pierre pour plus tard faire toucher du doigt aux générations à venir la barbarie odieuse du Teuton et lui opposer la générosité accueillante et délicate du Suisse romand. Telle femme, de Maubeuge, qui depuis son évacuation ne sait ce qu'est devenu son mari resté comme auxiliaire pour la défense de la place, s'enferme dans sa peine et se donne tout entière à l'enfant dont elle a accouché dans les caves de l'hospice d'Arras pendant le bombardement. Telle autre, d'une famille honorable, semble-t-il, qui reçoit de son mari prisonnier des lettres dénotant un homme de coeur, a eu au Creusot de son beau-frère mobilisé aux usines un enfant adultérin ; sa chute est bien définitive. Seul l'amour de ses trois enfants survit au naufrage de tout sens moral ; elle demande au cabaret l'oubli, et noie dans la boisson les cris de sa conscience. Son enfant avait un mois lorsqu'elle sollicite son admission à l'hospice d'enfants assistés de Mâcon ; l'enfant était parti