Transcription :
se plaigne des petites restrictions imposées dans l'intérêt public ? Chacun ne devrait-il pas appliquer en toute conscience les mesures prises par le Gouvernement, sans chercher en aucune façon à les tourner ? Devrait-on avoir l'impudeur de discuter la suppression de la pâtisserie ? Devrait-on faire des provisions de viande pour trois jours afin de n'être pas dans l'obligation de respecter les jours sans viande ? Devrait-on rencontrer encore des toilettes tapageuses, révoltantes, alors que le poilu est boueux quand il meurt ? Devrait-on voir les cafés regorger de monde aux heures où les règlements permettent leur accès aux ouvriers mobilisés ? Les lieux de plaisir, cinémas et autres, nommables et innommables, devraient-ils recevoir un seul client ? Devrait-il être nécessaire pour un Préfet d'interdire les bals publics ? Devrait-on chanter, parfois hurler dans les rues, même la nuit ? Devrait-on rencontrer un seul ivrogne ? Le mot de grève devrait-il être prononcé par les non-mobilisés, comme si la France pour laquelle on tombe sur le front n'était pas aussi celle pour laquelle on forge et l'on tourne dans les ateliers, comme si la France du poilu n'était pas aussi la France du civil ? Quelques chiffres de statistique locale seront suggestifs. Les naissances, de 634 en 1912, 618 en 1913, 590 en 1914 et 380 en 1915, ne remontent qu'à 415 en 1916, mais les mort-nés déclarés de 29, 37 et 26 en 1912,1913 et 1914, soit 5% des naissances, sont de 17 en 1915 et atteignent 33 en 1916, soit 8% des naissances. Nous ne parlons pas des avortements dont les médecins constatent les méfaits, à tel point que le Directeur du Bureau