Les hôpitaux
Les soins aux blessés de guerre, les questions sanitaires
Les hôpitaux
Les soins aux blessés de guerre, les questions sanitaires
L'organisation du service de santé
Les services de santé de l’armée firent face à l’accueil et aux soins de plus de 4 millions de blessés et de plus de 5 millions de malades parmi les soldats de la grande Guerre. 9 à 10 000 structures de soins provisoires encadrées par 168 000 soignants (dont 21 000 médecins et 130 000 infirmières) furent donc créées en France dès les premiers jours de la guerre avec une organisation qui avait été pensée bien avant 1914. 500 000 lits ouvrirent dans les hôpitaux de l’intérieur avec un taux d’occupation qui varia de 50 à 75% durant le conflit.
Les prévisions des services de santé se révélèrent rapidement erronées :
la guerre ne fut pas courte comme escomptée et l’afflux de blessés et de malades fut toujours soutenu pendant ces 4 années, avec des pics après les grandes offensives,
les blessures que l’on prévoyait être à 80% par balles furent en fin de compte causées à 70% par l’artillerie avec des conséquences terribles (plaies béantes souillées par la terre source de gangrène gazeuse, mutilations de toutes sortes…). Le conflit laissa, outre 1,4 million de morts français, plus de 1 million d’invalides (amputés, mutilés, aveugles, gazés, gueules cassées, névroses de guerre).
L’objectif et la priorité du service de santé des armées était de remettre les soldats sur pied (les « reconstituer » ou les « régénérer physiquement et mentalement » selon les termes de l’époque) pour les renvoyer combattre. Les 9,2 millions de soldats passés par les structures sanitaires furent blessés ou malades entre 2 et 3 fois chacun en moyenne et 90% retournèrent au service actif après avoir été soignés. On peut dire que la guerre fut gagnée grâce au retour dans les lignes de ces anciens blessés. Mais avant d’arriver dans les hôpitaux de l’intérieur, les soldats blessés durent endurer un calvaire en raison d’une organisation chaotique du parcours de soins depuis la ligne de front et de moyens de transport mal adaptés aux grands blessés (trains sanitaires, ambulances automobiles).
Trains sanitaires en gare de Montchanin-les-Mines
p.10 du livret 1 (1914-1915). "il arrivait déjà en sens inverse de lamentables trains..."
p.13 du livret 1 (1914-1915). "Les blessés étaient entassés dans des wagons..."
Les hôpitaux temporaires du Creusot
Au Creusot, 3 hôpitaux temporaires furent créés, répartis en 9 lieux différents en plus de l’Hôtel-Dieu, avec des annexes dans les communes voisines. Il fallut donc réquisitionner des locaux, essentiellement appartenant à Schneider dont plusieurs écoles, ce qui ne manqua pas de poser beaucoup de problèmes pour la rentrée scolaire. 1 250 élèves se retrouvèrent sans locaux ce qui entraîna des démarches de la société Schneider auprès du ministre de la guerre pour stopper la désorganisation de l’enseignement au Creusot mais cela sans résultats.
Les 3 hôpitaux temporaires créés au Creusot fonctionnèrent pendant toute ou une partie de la guerre. L’autorité militaire considérait que Le Creusot allait être un important centre d’évacuation et avait prévu 600 lits. Les hôpitaux temporaires n°27 et n°64 furent régis par l’armée tandis que l’hôpital auxiliaire n°9 le fut par la Croix-Rouge.
L’hôpital temporaire n°27
C’était la structure la plus importante avec 352 lits répartis en 6 lieux :
100 lits pour malades dans l’école du boulevard du guide (actuel boulevard Henri-Paul Schneider)
80 lits pour blessés dans la salle du jeu de Paume (actuel pavillon de l’industrie)
80 lits pour malades dans la salle des fêtes du boulevard Saint-Quentin
45 lits pour blessés au Cercle du Creusot
24 lits pour officiers blessés ou malades à la Petite Verrerie
23 lits pour contagieux à la salle de répétition de la rue de Chalon
Il comporta des annexes à Montchanin, dans les écoles de la Grande Rue à partir du 27 janvier 1915, à Epinac, dans l’asile de vieillards et à Etang-sur-Arroux au Château de Fougerette.
Il était dirigé par le Docteur Morand, le Dr Lagoutte et le Dr Pannetier.
L’hôpital temporaire n°64
Cet hôpital qui fonctionna jusqu’au 26 août 1919 comptait 200 lits répartis en 3 lieux :
100 lits pour blessés à l’Hôtel-Dieu
60 lits pour malades à l’école de garçons de la Croix-Menée
40 lits pour malades à l’école de filles de la Croix-Menée
Il eut une annexe à Montceau-les-Mines à l’école de filles de la 9e Ecluse entre le 10 avril 1915 et le 1er avril 1917. Il était dirigé par les Docteurs Brenot et Compain et le Dr Briau.
L’hôpital temporaire auxiliaire n°9
Ses 50 lits pour malades occupaient les locaux de l’école des Moineaux. Son médecin-chef était le Dr Briau, secondé par les docteurs Diard et Bichet. Nous n’avons pas de documents photographiques de son fonctionnement.
p.10 du livret 1 (1914-1915). "A la date convenue, nos trois hôpitaux..."
La mise en place des hôpitaux
Il était prévu que l’Hôtel-Dieu fournisse 64 lits dès le 1er jour de la mobilisation. L’hôpital temporaire n°27 devait fonctionner dès le 6e jour de la mobilisation et le reste de l’hôpital temporaire n°64 à partir du 12e jour, tandis que l’hôpital auxiliaire n°9 de la Croix-Rouge devait être prêt le 16e jour.
Le 2 août 1914, une trentaine d’infirmiers non gradés mobilisés, destinés à l’hôpital n°27, pour la plupart creusotins, s’étaient déjà présentés à la porte du Château de la Verrerie, comme mentionné sur leurs ordres de mobilisation. On trouva une solution pour héberger les infirmiers venus de l’extérieur, et les Creusotins rentrèrent chez eux le temps d’organiser leur casernement à l’école du boulevard du Guide. Le lendemain, le reste de l’effectif infirmier arriva et le Dr Lagoutte donna les instructions pour l’organisation de l’hôpital en attendant l’arrivée du médecin-major, le Dr Morand.
Le Dr Brenot, chargé de la direction de l’hôpital temporaire n°64 arriva le 5 août et son personnel (infirmiers, pharmacien, comptable) fut au complet le 9 août. La population du Creusot répondit à l’appel des autorités pour approvisionner en lits et couchages les différentes structures hospitalières. L’ensemble des personnels de haut rang étaient des officiers de réserve ou de territoriale, et le médecin-chef de l’hôpital n°64 un médecin militaire retraité. Un important personnel féminin se mit en place, composé de dames de la Croix-Rouge, de religieuses et d’institutrices.
Les premiers mois de fonctionnement des hôpitaux
La consultation des registres de l’Etat-civil du Creusot montre que le premier soldat mort dans l’un des hôpitaux temporaires de la ville fut le soldat de 2e classe du 69e RI, Joseph Emile Dennecé, âgé de 22 ans, célibataire domicilié à Broux (Seine-et-Oise), décédé à l’hôpital n°27, le 27 août 1914. Jusqu’au 30 novembre 1914, 30 militaires provenant de toute la France moururent dans les hôpitaux du Creusot, 22 à l’hôpital n°27 et 8 au n°64. Aucun ne mourut en décembre. Ils avaient entre 20 et 40 ans et 8 étaient mariés. 26 étaient des soldats, 2 des officiers et les 2 derniers sous-officiers, dont un Allemand, adjudant au 1er régiment d’infanterie bavaroise. 3 réfugiés d’Arras décédèrent à l’Hôtel-Dieu pendant cette période.
p.10 du livret 1 (1914-1915). "A la date convenue, nos trois hôpitaux..."
Quelques vues de l'hôpital n°27 en fonctionnement
p.10 du livret 1 (1914-1915). "A la date convenue, nos trois hôpitaux..."
Quelques vues de l'hôpital numéro 64 en fonctionnement
p.10 du livret 1 (1914-1915). "A la date convenue, nos trois hôpitaux ..."
Correspondance
Transcription :
« Chers Amis
Depuis deux mois, j’étais près d’Arras en première ligne de feu, j’ai vu bien des misères. J’ai bien souffert. Je suis évacué de lundi. Je suis blessé un peu à l’œil et repris de l’estomac après une petite balade de 700 kilomètres. Je suis venu échouer ici au Creusot où je suis en traitement à l’hôpital Schneider, la grande fabrique de canons. Nous sommes très bien ; je rejoindrai Mamers sortant d’ici. Je pense vous voir. Embrassez Isabelle. Amitiés à tous.
H. Saniez »
Les maladies
Les poux, les fidèles "amis" du poilu pendant toute la durée de la guerre. Outre les séances de désinfection et d'épouillage nécessaires pour limiter leur prolifération, les poux étaient l'un des vecteurs responsable du typhus qui causa de très graves épidémies parmi les soldats de la Grande Guerre.
Les épidémies au Creusot pendant la Première Guerre mondiale
La diphtérie : Pierre Ferrier signale de nombreux cas au Creusot en juillet-août 1916. 4 décès ont été enregistrés. Les enfants en contact avec des malades ont été vaccinés.
La variole : un seul cas a été signalé chez des ouvriers espagnols. Tous les ouvriers du cantonnement ont été vaccinés, et on renvoya en Espagne ceux qui refusèrent la vaccination.
La grippe espagnole : Rappels
•le virus H1N1 d’origine aviaire apparaît à Canton (Chine) au printemps 1918. La 1e vague grippale toucha le monde entier en 3 mois avec une gravité habituelle (1 décès pour 1000 malades) ; le virus mute à la mi-septembre 1918 aux Etats-Unis et devient alors très virulent, tuant 3 malades sur 100. Cette 2e vague se mondialise dès octobre par l’intermédiaire des troupes américaines engagées dans le conflit. Une 3e vague arrive en février 1919, mais sur un mode mineur.
•1 milliard de personnes ont été touchées parmi une population mondiale de 1.900.000 habitants, et l’épidémie fit 30 millions de morts (des études récentes avancent un bilan de 100 millions de morts).
•Ce fut la pandémie la plus meurtrière de l’histoire de l’Humanité avec la peste noire. Elle fit 408.000 morts en France.
Selon Ferrier, l’épidémie fit 147 victimes au Creusot. En réalité, le bilan serait plus proche de 300 morts :
Avant l’épidémie : 1 à 2 décès quotidiens enregistrés à l’Etat-civil.
A partir du 11 octobre et jusqu’au 9 novembre : 208 décès enregistrés en 29 jours (plus de 7 décès par jour en moyenne). Pics : 12 décès les 26 et 29 octobre ; 11 décès le 31 octobre et le 9 novembre ; 10 décès les 18, 25, 28 octobre et 1er novembre.
Retour à la normale le 10 novembre : 21 décès les 9 jours suivants (2 par jour en moyenne). Petit sursaut de mortalité début 1919.
Surmortalité pendant la période épidémique : environ 230 morts supplémentaires en octobre-novembre 1918 et 70 entre janvier et mars 1919, soit 300 morts au total.
p.18 du livret 1 (1914-1915). "En vue de prévénir toute épidémie..."
p.11 du livret 3 (1916-1917). "De nombreux cas de diphtérie..."
p.7 du livret 4 (1917-1918). "La situation sanitaire se maintint bonne..."