A la bonne heure !
Sujet souvent débattu, le changement d’heure fut instauré il y a cent ans en France dans un contexte bien particulier. Privée d'une partie des mines du Nord et du Pas-de-Calais, devant renoncer aux importations de combustibles allemandes et belges et en même temps soutenir l'effort de guerre, la France imita les initiatives pionnières allemandes et anglaises en instaurant, pour la première fois en 1916, le changement de l'heure légale.
A l’origine prévu pour être limité à la durée de la (première) guerre, le changement d’heure fut abandonné en 1946 seulement puis reconduit à partir de 1976 suite au premier choc pétrolier, toujours dans l'objectif de réaliser des économies d'énergies substantielles.
Gardiennes de la mémoire locale, les archives nous permettent de retrouver la trace de la mise en place de cette réforme centenaire mais aussi de jauger de son impact et de son accueil en Saône-et-Loire.
Dans son journal évoquant la vie de la cité creusotine pendant la Première Guerre mondiale, Ferrier, secrétaire en chef à la mairie du Creusot, écrit à ce propos : «L'avance de l'heure légale, réalisée le 15 juin 1916, a fait et fait toujours l'objet de quelques réflexions fantaisistes ; aujourd'hui encore chacun ne manque pas de traduire l'heure nouvelle en heure ancienne et de dire : «Il est 7 heures, c'est-à-dire 6 heures du matin.» Mais au fond la réforme passe sans difficulté dans les habitudes.» (R 295, pièce 2)
Egalement ressources de choix sur ce sujet, les dossiers autrefois tenus par la préfecture contiennent affiches, enquêtes périodiques, bilans économiques et plaintes concernant les premiers changements d’heure (M 1730).
Un rapport préfectoral daté de 1917 nous indique ainsi, qu’en Saône-et-Loire, «aucune plainte particulière» n’a été formulée par la population locale, que «les commerçants et les industriels considèrent cette mesure comme plutôt avantageuse» tandis que «les agriculteurs continuent à régler leurs travaux sur l’heure solaire».
Après la guerre, l’utilité de la mesure est davantage remise en question. Les bilans économiques avancent des chiffres et des conclusions très variables d’une ville à l’autre. En 1922, le conseil municipal de Chagny et le conseil général émettent chacun le vœu de voir définitivement abolie "l'heure de guerre". Il en va de même pour les conseillers municipaux de Saint-Gengoux-le-National en 1923 et de Saint-Jean-de-Vaux en 1925. Parmi les réfractaires, sont également signalés, en 1923, les cultivateurs de Digoin qui «refusent formellement de mettre leurs horloges à l’heure».