L'affaire Pierre Vaux
Les faits en bref
De 1851 à 1859, Longepierre est frappé par une série d'incendies criminels. Au final, 65 bâtiments sur 104 que compte la commune seront touchés et deux morts seront à déplorer.
Rapidement, Pierre Vaux, instituteur et Jean-Baptiste Petit sont désignés comme les meneurs d'une société d'incendiaires. Malgré leurs protestations d'innocence, le 25 juin 1852, tous deux sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité et bientôt transportés en Guyane.
Les incendies reprennent. En 1855, de nouveaux suspects sont arrêtés. Gallemard est finalement reconnu comme le principal instigateur ; ce dernier se suicide en prison. Malgré ces nouvelles informations, "ceux que l'on sait désormais être innocents ne seront pas blanchis pour autant" écrit Louis Devance.
Le 16 décembre 1897, Pierre-Armand Vaux obtient la réhabilitation officielle de son père, décédé. Le jugement de 1852 est qualifié de "crime judiciaire".
Mémoire d'une affaire judiciaire
Le souvenir de l'affaire Pierre Vaux et Jean-Baptiste Petit reste vivace en Bourgogne. Le 21 octobre dernier, près d'un siècle après la réhabilitation des deux hommes, une stèle a été inaugurée à Longepierre à l'initiative du Comité pour la mémoire de Pierre Vaux et Jean-Baptiste Petit, présidé par Guy Thiebaut.
Les clés pour comprendre l'affaire : la thèse du complot "rouge"
A l'origine de l'affaire :
- des antagonismes sociaux et politiques puissants.
Pierre Vaux, né à Molaise en 1821, est nommé instituteur à Longepierre en 1844. Son enthousiasme pour la Seconde République, proclamée en 1848, le suffrage universel et ses idées neuves (instruction gratuite pour tous les enfants, partage des communaux...) se heurtent aux opinions conservatrices des notables de la commune. Pour beaucoup, Pierre Vaux est un "étranger", un républicain, un "rouge", autrement dit un fauteur de troubles.
A noter : Pierre Vaux est suspendu de ses fonctions d'instituteur en février 1850 pour "relations et esprit de désordre". Le Préfet lui refuse également le droit d'exercer les fonctions de maire auxquelles il a été légalement élu en janvier 1851.
- une justice aléatoire et peu encline à revenir sur ses erreurs.
La véracité des témoignages à charge ne fut que peu vérifiée. La relation de confiance existant entre Gallemard et le juge de paix de Verdun-sur-le-Doubs, chargé de l'enquête, servit les intérêts de celui-ci. La thèse du complot "rouge" fit rapidement consensus.--
Pierre Vaux a laissé des écrits dans lesquels il avoue sa confiance dans le seul jugement de Dieu.
Les principales sources disponibles aux Archives départementales
E dépôt 2237 et 2238 : Registres des délibérations du conseil municipale de Longepierre (1841-1878)
M 1095 bis et M 1096 : Elections municipales de Chalon-sur-Saône (1846-1852)
M 121 : Dossier sur les incendies de Longepierre (1852-1855, 1857)
2 Y 147 : Registre d'écrou de la prison de Chalon-sur-Saône (entrées n° 405 Jean-Baptiste Petit et n° 407 Pierre Vaux)
1 Y 56 : Registre d'inscription des condamnés destinés aux bagnes et aux maisons centrales (entrées n° 710 Pierre Vaux et n° 711 Jean-Baptiste Petit)
U 327 : Assises de Saône-et-Loire (1855-1856)
Ressources imprimés -
BR 260, BR 261, BH 2923, BH 3244-3247, BH GF 289-291, BH 3389 article "Histoire d'un crime judiciaire sous le Seconde Empire : l'affaire Pierre Vaux" de Louis Devance
PR 58/1, années 1882 et 1883 : feuilleton judiciaire par Max Buchot pour l'Indépendant de Saône-et-Loire
Sur Pierre Vaux, voir aussi -
3 T 288 : liste des élèves de l'Ecole normale de Mâcon titutlaires du brevet de capacité d'instituteur (1844)
M 134 bis : Dossier des services de police sur Pierre Vaux (1851)
O 1081 et 1084 : Projet de statue à la mémoire de Pierre Vaux
Transcription partielle du rapport du sous-préfet de Chalon-sur-Saône au Préfet de Saône-et-Loire (visuel ci-joint), 1er mai 1852 (M 121)
(...) j'ai l'honneur de vous transmettre un rapport du brigadier de gendarmerie, en résidence provisoire à Longepierre et dont il résulte qu'une société d'incendiaires aurait été constituée dans cette localité. Le Sr Veau ex-instituteur paraît avoir fait partie de cette société et il est aujourd'hui arrêté, avec 6 autres individus qui seront renvoyés devant le jury aux prochaines assises.
Dès la réception de ce rapport, j'ai transmis l'original à M. le Procureur de la République et je vous en adresse une copie.
Je vous prie de faire connaître à Mr le Recteur, qu'il n'y a point lieu de s'occuper du placement du dit Veau ex-instituteur puisque malgré ses protestations, et son affirmation d'être revenu à des idées d'ordre, il se trouve aujourd'hui compromis dans une affaire capitale et dans laquelle il faut attendre la décision de justice (...)"