Stratagème de poilu
Correspondre en blanc pour contourner la censure
Entre 1914 et 1918, Jean Déléage est au front et comme tant d'autres soldats, il écrit à sa famille. Entre les zones de combats et l'arrière, transitent alors près de 4 millions de lettres par jour. Cependant, dans ces courriers transmis par la poste militaire, les poilus ne peuvent rien dire de leurs conditions de vie effroyables dans les tranchées ou du lieu où ils se trouvent, car le contrôle postal et la censure veillent...
Dans la correspondance de la famille Déléage (53J) conservée aux Archives, quelques lettres montrent l'utilisation par Jean Déléage d'un stratagème pour contourner la censure et indiquer le plus souvent, à sa femme Louise, sa localisation.
Aussi, lors de sa deuxième campagne de tranchées dans les Flandres, il propose à Louise d'utiliser un procédé suggéré par Claudia, sa sœur, dans une lettre envoyée fin janvier 1916 :
« elle m’indique un moyen de correspondre en blanc, et comme il peut être utile, nous allons l’expérimenter tout de suite (elle t’a indiqué paraît-il, la manière d’opérer). »
Il réalise un premier essai : « au bas de cette page, je vais écrire en blanc 5 mots, n’oublie pas de me les citer si tu as pu les déchiffrer. » (Lettre du 28/1/1916 ). Pour écrire "en blanc", il utilise une encre invisible comme du jus de citron.
Cet essai réalisé avec une « polissonnerie » est concluant.
Jean édicte alors clairement le principe :
« quand j’aurai un mot secret à t’envoyer, j’emploierai le même procédé, et toujours ce sera à la fin de ma lettre, avec une petite croix au crayon en marge pour te faire connaître l’endroit à recouvrir d’encre. » (Lettre du 4/2/1916 )
La lettre du 25 février 1916 en est un exemple frappant. Jean indique à Louise sa position en Belgique : "Nous allons à 6 Km au nord d'Ypres à Het-Sas"
Dans Couples dans la Grande Guerre tiré de sa thèse, Clémentine Vidal-Naquet fait mention p. 230 et 598 de cette pratique des Déléage. Elle dénombre d'autres stratagèmes, énigmes et messages codés, utilisés par les maris soldats pour informer leur femme de leur localisation.
Pour en savoir plus sur le parcours de Jean Déléage, vous pouvez consulter sa lettre du 29 septembre 1915 où il décrit un panorama très complet et réel de la guerre dans le "Labyrinthe" en Artois près de Neuville-Saint-Vaast.
Toutes ces lettres ont été transcrites et seront bientôt en ligne et chacun pourra en connaître un peu plus sur la famille Déléage pendant la première guerre mondiale.